Les cassures du métal / les ruptures L’analyse morphologique des cassures et ruptures, avec quelques moyens de les inventorier et de les référencer. Note : au lecteur ; mon très vieux professeur de métallurgie, ne saura ma tenir rigueur d’avoir repris, in extenso, un de ses cours car il caractérise bien les problèmes rencontrés par les experts en automobiles lors des recherches qu’ils ont a effectuer sur les incidents mécaniques fréquents. L’analyse morphologique des cassures La rupture , qu’el qu’en soit le mécanisme, est sous la dépendance de nombreux facteurs, la sollicitation, la vitesse et la répartition des chargements, l’homogénéité et le mode d’élaboration de la matière, la température, l’environnement etc…. Statistiquement la plupart des cassures survenues en service sont, soit des cassures résultant d’un processus de fissuration progressive sous sollicitations cycliques appelées « cassures de fatigue », soit des déchirures semi-fragiles. C’est dans ces deux cas de rupture que l’analyse morphologique macroscopique est particulièrement intéressante. La terminologie : – RUPTURE FRAGILE : rupture brutale qui se propage sans déformation plastique que ce soit à l’échelle macroscopique ou microscopique. – RUPTURE SEMI FRAGILE : rupture brutale qui se propage sans déformation plastique macroscopique, mais avec une déformation plastique microscopique. – RUPTURE DE FATIGUE : rupture progressive qui se propage dans le temps au fur et à mesure que la pièce est sollicitée. – RUPTURE INTERGRANULAIRE : rupture qui se produit le long des joints grain de la structure de l’alliage considéré. – RUPTURE TRANSGRANULAIRE : rupture qui se produit au travers des joints de grain de la structure – RUPTURE DUCTILE : rupture statique qui se propage avec une déformation plastique apparente (striction) – CLIVAGES : plans de propagation de la rupture fragile au travers des grains – STRIES : lignes parallèles que l’on observe sur une cassure de fatigue à l’échelle microscopique – LIGNES D’ARRET ou LIGNES FRONTALES : lignes en forme d’arc de cercle que l’on observe sur la cassure d’une fissuration progressive, à l’échelle macroscopique et qui traduisent des arrêts dans la propagation de la cassure. – CHEVRONS : relief rayonnant que l’on observe sur la cassure d’une rupture semi-fragile et dont l’orientation permet de déterminer le sens de propagation de la rupture Analyse morphologique macroscopique des cassures par fissuration progressive Deux conditions sont nécessaires à la formation d’une fissuration progressive ; il faut d’une part que les sollicitations soient de caractère cyclique et d’autre part que le niveau des contraintes dépasse, au moins au point dangereux de la pièce, certain seuil fonction du nombre de cycles supportés. Ce phénomène peut être observé sur les matériaux les plus variés qu’ils soient de haute qualité ou de qualité médiocre. L’analyse morphologique d’une cassure de fatigue peut se poursuivre par une étude métallurgique de la pièce mais en général limitée à la région où la fissuration a pris naissance. La position de cette région d’amorce est donc l’élément essentiel et seule l’étude de la surface de cassure permettra de la localiser. Caractères de la surface des cassures par fissuration progressive Les surfaces des cassures résultant d’un processus de fissuration progressive sont constituées de deux zones distinctes : la première correspond à la zone de fissuration proprement dite et la seconde est la cassure finale. La différence entre ces deux zones est très nette lorsque les sollicitations appliquées ont changé entre la période où s’est produite la première zone et celle où est apparue la seconde, c’est le cas notamment des pièces fissurées en service ou en laboratoire et que l’on a achevé de rompre pour examen. Pour les pièces qui sont rompues complètement en service la différence est également notable lorsqu’une rupture finale fragile ou semi- fragile a succédé à la fissuration progressive. Dans les autres cas la transition entre les deux zones peut être plus progressive mais il existe cependant une différence d’aspect très nette d’une extrémité à l’autre de la cassure. Evolution des surfaces de fissuration progressive en fonction de la nature des sollicitations Les sollicitations cycliques appliquées à une pièce font apparaître en chaque point de cette pièce des contraintes cycliques. Le cycle le plus simple est celui dans lequel la distribution des contraintes ne change pas, c’est à dire où, à tout instant, les contraintes ont en chaque point des valeurs proportionnelles à leurs valeurs d’origine : ces contraintes peuvent changer de sens, mais non de direction en un même point, ni phase d’un point à l’autre. En pratique , il arrive cependant souvent que les contraintes changent de direction ou au moins de phase. Cas où les contraintes sont en phase et de direction fixe Sous une contrainte uniforme, le développement de la fissure est isotrope : en effet, autour du point où elle prend naissance la fissure de fatigue se développe dans un plan, la ligne extrême atteinte à un instant donné ; appelés »front de fissure » étant une circonférence. Cependant ; si la fissuration s’est amorcée sur un défaut de taille notable la fissure épouse le contour du défaut, mais au fur et à mesure de sa progression sa forme se régularise pour tendre à devenir circulaire. Lorsque la contrainte n’est pas uniforme les vitesses de développement d’une fissure amorcée en un point ne sont pas les mêmes dans toutes les directions partant de ce point : elles sont plus grandes dans les régions où les contraintes sont plus élevées. Par exemple, lorsque la sollicitation cyclique résulte d’une flexion, le front de fissure s’aplatit perpendiculairement au plan flexion, c’est à dire parallèlement à la surface où la fissure s’est amorcée. Un effet analogue résulte de toute altération ou action superficielle affaiblissant en surface la résistance à la fatigue ( corrosion, décarburation superficielle, contraintes résiduelles etc..) Effet d’entaille – c’est une action analogue à un affaiblissement superficiel qu’exerce tout accident de forme constituant une entaille non parallèle à la contrainte principale responsable de la fissuration. Deux cas sont à considérer : effet d’entaille perpendiculaire à la contrainte principale et effet d’entaille oblique. Lorsque l’effet d’entaille est perpendiculaire, on observe un étalement de la cassure le long de l’effet d’entaille. Pour une section circulaire cet élément pourra, si l’effet d’entaille est assez important, inverser la courbure du front, qui devient concave, cela permet ainsi d’apprécier l’effet d’entaille globale responsable d’une fissuration progressive. S’il y a obliquité de l’effet d’entaille par rapport à la direction générale des contraintes, la fissure suit d’abord le fond de l’entaille, la fissure se subdivise en une série de fissures distinctes, orthogonales à la direction générale des contraintes, et plus ou moins imbriquées les unes dans les autres. C’est principalement sur des pièces travaillant en torsion que l’on observe des cassures de ce type. Cas où les contraintes sont de phase ou de direction variables Des sollicitations variables peuvent entraîner un décalage de phase entre les contraintes aux divers points, ou une variation dans le temps de ces contraintes et par conséquent donner lieu à des cassures dont les caractères peuvent varier. Le type de sollicitation le mieux connu à cet égard, et également le plus rencontré, est la flexion rotative à laquelle se rapportent les observations qui suivent : Flexion rotative : il y a flexion rotative lorsqu’une pièce de révolution et qui tourne autour de son axe subi une flexion fixe d’axe orthogonal au précédent ( un délignage par exemple) ou lorsque la pièce est fixe, c’est le champs de flexion qui tourne autour d’elle ( excitation par un balourd tournant) Une fissure amorcée en un point de la surface et qui se propage sous les sollicitations de flexion rotative, se développe plus rapidement le long de la surface qu’en profondeur, en raison du défaut d’uniformité de la contrainte, si bien que le front de la cassure n’est plus constitué par un arc de circonférence centré sur l’amorce, mais par une courbe plus aplatie. Cette courbe demeure, en général, convexe, cependant une faible concavité est souvent observée dans la région du front opposée au sens de rotation, ceci étant en liaison avec le phénomène de la dérive des lignes frontales. Ce phénomène qui se traduit par une rotation progressive des fronts successifs de la fissure en sens inverse de la rotation de la pièce a été signalé par BACON qui explique par l’apparition de couples parasites résultant des déformations plastiques subies par la pièce dans la phase du cycle où la région fissurée se trouve mise en traction. Toutefois s’il y a effet d’entaille superficiel, le front peut au contraire devenir rapidement concave du fait de l’accroissement de la vitesse de propagation de la fissure en surface. Dans ce cas, la zone de rupture finale est entièrement entourée par la zone de fissuration progressive. Toutes ces observations montrent combien le caractère des surfaces de cassure de fatigue est en dépendance directe avec la nature et l’intensité des sollicitations qui leur donne naissance . Caractères communs aux surfaces des diverses cassures par fissuration progressive Grain, de cassure : Nous disons précédemment que l’aspect de la zone de fissuration progressive diffère de celui de la cassure finale. Dans les cas les plus typiques, la surface de la zone correspond à la fissuration à, dans un métal, un aspect lisse mais mat et velouté, que l’on a souvent comparé à celui d’une cassure de porcelaine non vitrifiée. Cependant, un tel aspect ne s’observe que moyennant un certain nombre de conditions qui sont principalement : · une orientation appropriée de la cassure · une homogénéité convenable de la matière constituant la pièce · une progression suffisamment lente de la fissure. Si la cassure s’amorce sur un accident de forme qui n’est pas parallèle aux directions principales du système de contrainte, sa surface peut devenir franchement tourmentée. Si la matière contient de nombreuses inclusions, il se peut que la disposition de la cassure soit gouvernée par ces inclusions et la cassure peut présenter sur une partie de son étendue, un aspect fibreux très différent du faciès typique des cassures de fatigue. D’autre part, plus la cassure se développe rapidement moins le grain de sa surface est fin, et lorsque la rupture survient en quelques milliers d’alternances seulement, il est difficile de discerner, au seul examen du grain de la cassure, si celle-ci résulte d’une rupture par fissuration progressive ou d’une simple rupture fragile. Variation du grain au cours de la fissuration Le grain de la cassure n’est pas uniforme dans toute l’étendue d’une plage de fissuration progressive. Cette variation du grain traduit dans un métal homogène une variation de la vitesse de fissuration. Si l’effort appliqué à la pièce qui se fissure reste le même d’un cycle à l’autre, la contrainte nominale augmente au fur et à mesure que la fissure se propage puisque la section restante diminue, donc la vitesse de fissuration augmente et le grain de cassure devient de moins en moins fin. Par contre, lorsque ce n’est pas l’effort appliqué mais la déformation totale imposée à chaque cycle qui demeure fixe, la vitesse de fissuration décroît progressivement et en conséquence le grain de cassure tend à s’affiner de plus en plus. Caractères secondaires D’autres caractères, qui ne se rencontrent pas sur toutes les surfaces de cassures, sont cependant assez fréquents pour être mentionnés. Ce sont : les lignes frontales – les lignes radiales – Les lignes frontales – pour une pièce qui se fissure en service, les périodes, au cours desquelles la sollicitation est suffisante pour permettre la progression de la fissure sont séparées par des intervalles plus ou moins longs pendant lesquels la fissure s’arrête. Sur les cassures correspondantes, on discerne alors des séries d’accidents de relief, dont chacun dessine la position atteinte par le front de cassure au moment de l’arrêt. Ces lignes frontales appelées lignes d’arrêt, confèrent à ces cassures l’aspect conchoïdal. Si ces lignes existent, elles facilitent beaucoup l’interprétation, car lorsqu’elles sont suffisamment proches de l’amorce à laquelle elles correspondent, elles permettent de la situer avec précision. De plus, ce sont elles, qui attirent l’attention sur la multiplicité des amorces et qui permettent d’en faire le décompte. D’autre part, lorsque la charge dépasse franchement la résistance à la fatigue Cependant il existe un autre type de ligne frontales appelées « zébrures » mais dont le mode de formation est totalement différent. En effet, ces zébrures apparaissent dans les aciers à haute résistance à l’approche de la cassure finale. Ces zébrures correspondent chacune à un seul cycle d’effort et le mécanisme de leur apparition paraît faire intervenir non pas la fissuration progressive proprement dite mais alternativement la déchirure fragile et la rupture à nerf. Lignes radiales – On peut observer sur certaines cassures de fatigue des lignes radiales, ou crêtes, dont l’origine est moins manifeste que celle des lignes frontales. Quelquefois ces lignes marquent seulement la frontière entre les plages issues d’amorces distinctes, et dans ce cas elles sont plus accusées à leur origine et disparaissent au fur et à mesure que la cassure se propage dans l’épaisseur de la pièce. D’autre fois, des lignes radiales peuvent apparaître dans la cassure par suite d’une modification du type de sollicitation au cours du temps. Ainsi dans une pièce travaillant à la fois en flexion et torsion, si le rapport des deux composantes se modifie on devrait voir la cassure s’infléchir progressivement. Ce mouvement ne peut se produire que par l’apparition de facettes, ainsi les lignes radiales tendent à s’accuser de plus en plus à mesure qu’on s’éloigne de la région de l’amorce. Quelle qu’en soit leur origine, ces lignes radiales sont grosso modo dirigées vers les zones d’amorce, mais leur relation avec ces amorces est cependant beaucoup moins étroite que celle qui existe avec les lignes frontales, si bien qu’il ne doit être fait usage de ces lignes radiales qu’avec prudence dans l’interprétation des cassures. Caractères du profil des cassures par fissuration progressive Au niveau de l’amorce – les cassures s’orientent orthogonalement à la contrainte principale responsable de la fissuration progressive et cette contrainte majeure de traction. Si bien que lorsque une fissure s’amorce en un point de la surface où aucun effort extérieur n’est directement appliqué, ce qui est le cas général, la fissure s’oriente perpendiculairement au plan tangent car les contraintes principales sont en effet alors parallèles à ce même plan. Un corollaire intéressant de cette règle est que toute fissure amorcée au voisinage immédiat d’une arête saillante, donne, sur chacune des surfaces aboutissant à l’arête, une trace orthogonale à l’autre surface, donc aussi à l’arrête. En l’absence de tout effet d’entaille marqué, c’est la disposition du réseau général des lignes de contraintes principales (isostatiques) qui fixe celle de la fissure. Ainsi, en traction la fissure sera perpendiculaire à la direction de la traction ; en torsion elle sera à 45° par rapport à l’axe de torsion et en flexion elle sera parallèle à l’axe de flexion. Développement ultérieur : Dans le cas où il n’y a pas, à l’origine de la fissure, un effet d’entaille appréciable en dehors de ceux orientés parallèlement au réseau général des isostatiques, la fissuration progressive se fait suivant une surface orthogonale à ce réseau. En particulier, pour les pièces travaillant en traction ou en flexion et qui présentent des changements de section, toute cassure amorcée dans un changement de section se creuse dans la section la plus forte. On peut expliquer ce phénomène en remarquant que la perturbation locale créée dans le champ de contrainte par l’amorce de cassure est sensiblement symétrique par rapport à l’orthogonale au champ suivant laquelle l’amorce elle même est disposée. Dans ces conditions, le développement de l’amorce tend à se poursuivre suivant cette orthogonale. Analyse morphologique macroscopique des déchirures semi fragiles Contrairement à la fissuration progressive sous sollicitations cycliques, qui chemine de proche en proche, la déchirure semi fragile, appelée par certains rupture explosive, se propage à grande vitesse. Son mécanisme met en jeu l’apparition en avant du front de déchirure, des jalons de rupture fragile formés par clivages ou par dé-cohésion inter-granulaire et qui se trouvent par la suite reliés à la déchirure à la faveur de ruptures locales de caractère plus ou moins ductile. Le phénomène de déchirure semi fragile apparaît donc très général et il n’est pas lié à l’intervention d’un choc violent ni à l’emploi de matériaux à basse résilience. L’expertise d’une avarie par déchirure semi fragile ne peut donc être limitée au contrôle de la résilience, il faut au contraire, par une analyse aussi complète que possible de la cassure, reconstituer d’abord le phénomène de façon à déterminer la part qui revient, dans son déclenchement, à la sollicitation, au tracé ou au métal. Malheureusement , la connaissance des déchirures semi fragiles est moins avancée que celle de la fissuration progressive, si bien que les renseignements que l’on tire de l’étude de leur surface se limitent presque exclusivement au sens de leur développement mais bien que cette indication puisse paraître élémentaire, elle permet cependant des déductions fructueuses. AMORCE DE CASSURES : Charles de Frémenville paraît avoir été le premier à observer l’amorce de cassure fragile et à affirmer qu’elle était intérieure à la masse et non pas située à la surface, comme c’est le cas général pour les amorces de fissuration progressive, mais ces travaux ont porté principalement sur le verre. Les recherches de Sullivan et Kies ont permis de préciser que l’allure des cassures était bien la même dans les métaux, en particulier dans les aciers, que dans les matériaux non métalliques, mais ils ont constaté que la distance du foyer à la surface pouvait, quelle que soit la matière, varier dans de larges proportions, et devient par exemple très réduite en présence d’un effet d’entaille suffisamment intense. Dans la pratique des constructions, tout se passe en réalité à l’échelle macroscopique, comme si la déchirure semi fragile s’amorçait en surface sur effet d’entaille soit formé par un autre processus de rupture, ou pré-existant et correspondant alors à une entaille géométrique. CHEVRONS : les surfaces des cassures semi fragiles offrent dans une plage normale à la direction de l’effort, un relief rayonnant à chevrons plus ou moins bien dessinés, lié au fait que cette déchirure se réamorce constamment dans l’épaisseur de la pièce. Dans une lame , ce relief prend une disposition en chevrons emboîtés. La pointe des chevrons est dirigée vers l’amont de la déchirure , ainsi l’examen macroscopique permet de connaître le sens de propagation de la rupture, et dans le cas d’une rupture amorcée sur une hétérogénéité de structure, il aide à localiser ce défaut dont la nature pourra être ensuite identifiée, par exemple, par un examen micrographique. La morphologie des chevrons peut être altérée par les caractéristiques du métal, des causes géométriques, des causes mécaniques ou des causes métallurgiques. Si le métal est peu fragile, les chevrons disparaissent dans une courbe superficielle plus ou moins épaisse où la cassure prend la forme d’une lèvre ou d’un chanfrein, rompue finalement par cisaillement, comme le bord d’une coupelle d’une éprouvette de traction dans un métal ductile. Lorsqu’il existe sur une face de la lame un défaut géométrique provoquant un effet d’entaille( repli de métal, stries d’étirage etc..), les chevrons ne sont réduits qu’à une seule branche. En effet la déchirure ne se développe plus à mi-épaisseur mais au fond de l’entaille, c’est donc à partir de ce fond d’entaille que rayonne le relief de la cassure si bien que l’une des branches du chevron disparaît . la branche restante conserve la même inclinaison que lorsque les chevrons sont complets , mais on ne peut déduire le sens de développement de la déchirure qu’à condition d’identifier la face portant l’effet d’entaille. Lorsque les contraintes ne sont pas homogènes , c’est à dire que la lame est non pas chargée en traction pure mais simultanément soumise à une flexion, la ligne des sommets des chevrons se déporte du coté tendu. Si les sollicitations supportées par la lame présentent des fluctuations , la célérité de la déchirure n’est pas continue et peut se produire par saccades . Lorsque cette célérité diminue , la tendance du métal à la rupture fragile décroît, par la suite les zones à nerf ont tendance à s’élargir tandis que la zone à grain, située à mi épaisseur voit diminuer sa largeur. Un défaut d’homogénéité ou d’isotropie du métal(dédoublement ou feuilletage) provoque une altération des chevrons. Seules les extrémités des branches sont visibles, il reste donc possible de déterminer les sens de propagation mais il est impossible d’avoir une idée sur la symétrie du chargement. Des pseudo chevrons peuvent également être observés, mais beaucoup plus rarement , lorsqu’il existe sur les faces opposées de la lame des effets d’entaille sensiblement au droit l’un de l’autre. Mais ceux ci ne se propagent pas toujours suivant un plan orthogonal aux surfaces de la lame, il est le plus souvent oblique ce qui permet de différencier les véritables chevrons des pseudo chevrons. Toutes ces observations montrent que l’analyse morphologique des déchirures semi fragiles permet, grâce à la présence des chevrons, de localiser l’endroit où s’est amorcée cette déchirure, et ce renseignement est extrêmement précieux en raison du développement , le métallurgiste qui se limiterait aux méthodes classiques d’essais de matériaux, serait en effet pratiquement impuissant à localiser l’origine et par conséquent à déterminer la cause de l’avarie. Seule l’analyse morphologique de la cassure peut, dans chaque cas, le guider sûrement vers la région où il doit circonscrire ses recherches pour travailler utilement. Préparation des cassures en vue de leur analyse morphologique L’analyse morphologique macroscopique des fissurations progressives et des déchirures semi-fragiles apporte un concours précieux et indispensable dans l’expertise des accidents tels que ceux rencontrés en service. Mais pour que cette étude des surfaces des cassures soit efficaces, il faut que certaines règles soient respectées. En premier lieu, il importe de ne laisser échapper aucune des cassures formées, car à priori, on n’est pas en général en mesure de dire si ces cassures sont apparues indépendamment ou si certaines d’entr’elles doivent être considérées comme la conséquence des autres. IL faut donc que les cassures soient effectivement toutes décelées et qu’aucune d’entre elle ne soit soustraite à l’examen. On doit donc disposer à la fois d’une bonne technique de détection et d’une bonne technique de prélèvement. Mais toutes les cassures prélevées ne sont pas toujours en état d’être examinées, une bonne technique de préparation est donc souvent à mettre en œuvre avant l’examen. Technique de détection Pour les cassures franches séparant une pièce en fragments distincts, il n’y a naturellement pas d’autre problème de détection que de retrouver tous les fragments de la pièce, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours facile. Par contre, la détection des fissures qui ne sont pas franchement ouvertes peut nécessiter des moyens plus surs que la simple observation à l’œil nu, surtout si ces fissures ne débouchent pas ou si elles débouchent dans une région non accessible de la surface de la pièce. Fissures Internes Parmi les essais non destructifs la radiographie se prête mal à la recherche des fissures, surtout lorsque leur orientation est inconnue. On utilise le plus souvent les procédés électriques (courant de Foucault° et surtout le sondage par écho d’ultra-sons , cette dernière technique permettant quelquefois de déterminer l’étendue des fissures décelées. La présence d’une fissure peut également se traduire par une modification décelable de la rigidité de la pièce et cette modification permet de recourir au sonnage de certaines pièces particulières pour savoir si elles sont fissurées. Fissures débouchant à l’extérieur Lorsque les fissures débouchent à l’extérieur dans une région accessible de la surface de la pièce, on peut utiliser plusieurs méthodes de recherche. La plus simple est l’examen à l’œil nu ou à la loupe. Cet examen donne de meilleurs résultats si la surface de la pièce a subi au préalable une préparation soignée (polissage etc…) terminée par une attaque chimique ou un polissage électrolytique. Lorsque la surface à examiner n’est pas plane, on retrouve plus sûrement l’ensemble des fissures dont elle est affectée en prenant une réplique nitrocellulosique de haute fidélité. Le second avantage de cette méthode est que cette réplique peut être examinée à de plus forts grossissement que la loupe et une préparation très poussée de la surface peut être dans certains cas superflue. Technique de prélèvement Cas où il existe une seule cassure : Une cassure doit être examinée sur toute son étendue, car la rupture s’est déroulée suivant certain ordre et l’essentiel est de retrouver cet ordre. Même si l’on veut ne rechercher que l’amorce ou les amorces de cassure, faire un prélèvement limité reviendrait à supposer résolu à l’avance le problème à traiter. Par ailleurs, les zones éloignées de l’amorce peuvent présenter pour l’expertise un très grand intérêt. En particulier, dans les cassures par fissuration progressive, la position et l’étendue de la zone de rupture finale fournissent des indications sur la nature et l’intensité des efforts en jeu. Cas où il existe plusieurs cassures : lorsque il existe plusieurs cassures distinctes, ces cassures doivent être toutes examinées car une fois encore il n’est pas à priori certain que ces cassures soient exactement contemporaines les unes des autres. Au contraire, elles sont , le plus souvent, succédées dans le temps, la formation des premiers créant les conditions nécessaires pour l’apparition des suivantes. Par exemple, dans un moteur diesel, une avarie d’attelage peut entraîner une irrégularité du couple de nature à provoquer une rupture de l’arbre à la manivelle ailleurs qu’au droit de cet attelage. A fortiori, lorsque les cassures ne sont pas toutes du même type, l’examen de toutes les cassures est nécessaire. Cependant si les cassures sont extrêmement nombreuses elles sont généralement de développement trèsinégal.ON peut alors admettre que les premières formées sont parmi les plus développées et faire porter le prélèvement d’une part sur toutes les cassures de grande étendue et d’autre part sur un choix parmi les autres. Mesures à prendre au cas où le prélèvement ne peut être complet : lorsque des motifs pratiques tels qu’une remise en état de la structure s’opposent à des prélèvements, il importe de procéder in situ sur les cassures à tous les relevés et observations avant que les opérations de réfection ne les fassent disparaître. Il est souvent plus sûr de prendre des témoins permanents du relief des cassures, en faisant appel aux techniques de répliques ou de moulages Technique de préparation L’analyse morphologique des cassures faisant appel à l’étude des surfaces de ces cassures, les fissures doivent donc être ouvertes et c’est ensuite que les surfaces mises au jour seront traitées de façon à élimer ce qui fait obstacle à leur examen. Ouvertures des fissures : les procédés dont on dispose pour ouvrir les fissures sont multiples. Lorsque la sollicitation responsable de la fissuration est connue, il est quelquefois possible de consommer la rupture en faisant appel à une sollicitation du même type mais plus intense. Cependant si l’effort que l’on peut développer n’est pas suffisant on peut recourir à une flexion qui pour un effort donné fait apparaître des contraintes plus importantes, on peut aussi dans certains cas mettre à profit l’effet de coin. Ces deux méthodes ont cependant l’inconvénient de provoquer une déformation plastique de la pièce quirisque d’altérer les dernières portions formées des fissures. Pour éviter cet inconvénient il faut réduire autant que possible l’effort nécessaire et une telle réduction peut être obtenue par un refroidissement des pièces par l’azote liquide par exemple. S’il s’agit de pièces en métal devenant fragile à basse température comme certains aciers, une autre méthode consiste à réduire la section restant à rompre en recourant à un usinage local, c’est à dire en entaillant la pièce par des traits de scie judicieusement disposés ; ce procédé présente cependant le risque de détruire partiellement la cassure car on ne connaît pas d’avance son étendue exacte. La méthode la plus générale mais aussi la plus laborieuse consiste à procéder à un détourage. Cette méthode opère par rabotage ou par tournage parfois même en combinant les deux. Dans tous les cas les fissures sont dégagées par derrière avec un outil travaillant par passes non parallèles aux fissures, l’apparition de ces dernières étant guettée afin de ne faire disparaître que très peu de leur surface. Traitement des surfaces de cassures Les surfaces des cassures sont toujours plus ou moins souillées par des dépôts divers. Ces dépôts doivent être observés avec soin et même recueillis pour leur analyse car leur présence et leur nature peuvent pour l’enquête constituer des indices utiles. Mais ils gènent l’analyse morphologique de la cassure et doivent donc être éliminé. Cette élimination se fait d’abord par nettoyage puis généralement par décapage. Nettoyage Celui-ci peut être fait à l’aide d’une brosse dure non métallique imbibée de withe-spirit (non de trichlore) Un autre procédé de parachèvement de nettoyage consiste à opérer comme si l’on voulait prendre une réplique nitrocellulosique de la surface de cassure. Le détachement de ce film de vernis, une fois sec, entraîne avec lui les matières étrangères. Dérouillage des aciers Les acides attaquent rapidement l’acier et ils ne doivent pas être utilisés sans précaution pour le dérouillage des cassures. Il existe deux procédés de dérouillage de cassures ; le premier contient un inhibiteur organique ( dérouillage électrolytique) il doit être manipulé avec précaution car il est extrêmement toxique ; le second avec un inhibiteur métallique, moins dangereux que le précédent forme un dépôt sur la cassure. Le premier procédé laisse la surface de la cassure intacte et si besoin est, des examens de cette surface peuvent être effectués au microscope électronique, tandis que le second, en raison du dépôt qu’il forme, interdit tout examen ultérieur par microfractographie. Examen à l’échelle macroscopique Examen visuel : les cassures préparées comme il vient d’être dit doivent d’abord être examinées directement à l’œil ou à la loupe sous les éclairages les plus variés, diffus ou non, normal ou oblique etc.. En effet, ces éclairages mettent inégalement en valeur les divers caractères des cassures, de sorte que si on se limite à un seul type d’éclairage, on rique de ne pas remarquer tel ou tel de ces caractères. Relevé des caractères Les mêmes raisons font qu’il est souvent difficile de fixer sur une même photographie tous les caractères intéressants d’une cassure, il est donc recommandé, dès que cette cassure est un peu compliquée, d’établir un croquis détaillé sur lequel seront reportés tous les accidents ou particularités observés lors de l’examen visuel. Photographie Les caractères des surfaces des cassures qu’utilise l’analyse morphologique macroscopique sont pour la plupart liés au relief de ces surfaces : c’est donc d’aborde ce relief que la photographie devra mettre en évidence. Cet impression de relief macroscopique est essentiellement obtenue par les effets d’ombre, elle dépend donc principalement du choix de l’éclairage de al surface à photographier. En règle générale, cet éclairage doit être oblique, voire rasant. La lumière du jour convient mal car elle beaucoup trop diffuse, il faut tavailler au moyen de projecteurs, la lumière tombant sur la cassure sous un angle de 0 à 30° selon la nature du relief. En conséquence pour l’expert en automobile confronté aux problèmes ci dessus développé, l’examen scrupuleux du détail et la modestie doivent présider pour que la prise d’information puisse conduire à un résultat cohérent.